Le combat contre un volcan... Luis Alberto Hernando et Emelie Forsberg grands vainqueurs !
La septième édition de l’ultra marathon de l’île de la Palma confirme que l’épreuve, maintenant pérennisée, est aujourd’hui un rendez-vous incontournable de la discipline, tant par l’engouement international qu’elle confère et sa popularité que par la qualité du plateau mondial des athlètes engagés. Entre ciel, terre et mer, entre soleil et roches de feu, Transvulcania incarne le skyrunning.
Le terrain de jeu que propose l‘organisation du Transvulcania sur 74 kilomètres est une succession de cartes postales, une traversée de paysages divers alternant mer et montagne, ciel et volcans, du bleu de l’azur au noir de la roche basaltique. La Palma, située au nord-ouest de l’archipel des Canaries au large des côtes africaines est une île de forme triangulaire pointant vers le sud. D’un rivage très étroit, elle s’élève rapidement en pentes abruptes. La végétation est tantôt verdoyante, tantôt absente laissant place à un désert de roches noires. Du départ donné à l’extrémité sud de l’île sur la plage à proximité du phare de Fuencaliente, le peloton effilé entame d’abord vers le nord l’ascension des cônes volcaniques du Cumbre Vieja, puis du Cumbre Nueva. Il prolonge sa course sur la ligne de crêtes allongée avant d’atteindre au centre du récif ilien la Caldeira de Taburiente, un cirque de neuf kilomètres de diamètre ouvert vers le ciel, qu’il contourne comme une toupie d’est en ouest. Du Roque de los Muchachos à 2 426 mètres d'altitude, le point culminant de l'île, la course entame alors une terrible descente, retrouve le sable de la plage sombre et les bananeraies de Tazacorte avant de finir au centre de la ville de Llanos de Aridane. 8525 mètres de dénivelé cumulé, 4420 mètres de dénivelé positif, de quoi faire plaisir au cœur, aux yeux et aux jambes.
Près de 4000 coureurs bien matinaux, répartis sur 3 courses, 24, 44 ou 74 km se sont donc retrouvés bien avant l’aurore au point de départ bercé par les vagues. Le ressac des vagues murmure en allées et venues et balaie la plage. Le départ de l’ultra est donné à 6:00. La nuit noire recouvre encore un sol composé de sable essentiellement noir. La température est déjà douce. Que de monde sous le portique ! Et quelle agitation. Maillots bigarrés, tenues adaptées, bidons harnachés… le rendez-vous est un succès. « Quatro, très, dos, uno…, C’est parti. Le serpentin s’effrite dès le départ et n’aura de cesse de s’étirer. Les frontales illuminent comme une guirlande dans la nuit noire le premier versant gravi en grandes enjambées. Chaque coureur entame son combat contre le volcan, gravit son échine, s’apprête à livrer un combat éreintant. Malgré l’heure matinale, le monde spectateur est là, encourage, offre sa haie d’honneur, étrique le passage, vocifère ses encouragements « Venga ! Venga ! Animo ! ». 2000 mètres de dénivelé en seize premiers kilomètres d’escalade. Los Caneiros, Las Deseadas offrent leurs premiers ravitaillements. Sous les pieds, le sable et la poussière de lave noirs offrent peu d’appuis. L’ascension est rigoureuse, difficile. Quand le jour commence à poindre, les hauteurs sont déjà gagnées. Le sable a alors laissé place à la caillasse, aux roches de basalte. Les regards furtifs jetés en contrebas laissent tantôt apercevoir une mer de nuages blanc cotonneux, tantôt le bleu de l’océan et les couleurs vives et variées des habitations bâties sur l’étroit rivage. Les exigences topographiques de l’épreuve sont certaines mais elles ne sont pas la principale difficulté. Le soleil point dès les premières heures et assène le prétendant de copieuses chaleurs. Vulcain n’est pas si facile à vaincre. Ce n’est que le début du combat. Il faut poursuivre.
Au-delà du vingtième kilomètre, la sente entre en sous bois. Sol d’épines, odeurs et ombres de pins géants, longs et effilés. La primavera a éclos ses milliers de fleurs violettes, jaunes ou blanches, végétation endémique alors luxuriante, fougères, genêts d’or. Le refuge d’El Pilar s’avère récupérateur. Un premier escalier est franchi. La route forestière offre un sol cendré, vallonné. Il faut redescendre quelques marches. On descend avant d’entamer une nouvelle ascension, plus difficile, plus exposée. Avec la prise d’altitude, les arbres se parsèment, se raréfient, puis disparaissent complètement, laissant le coureur livré à lui-même, seul sous l’immensité céleste, seul avec le soleil. S’entame alors une véritable traversée du désert. Rocailles, basalte, poussières. On court sur l’arête du volcan. L’astre au zénith crache maintenant ses rayons de feu. Aucune ombre. La roche est noire et rayonne. Il fait chaud, très chaud, si chaud. Certains passages engorgés entre deux parois sont de véritables fours de lave. D’abord la hauteur du Roque de la Cruz, puis tout en contournant la Caldeira, l’ascension du Roque de los Muchachos jusqu’à l’observatoire astronomique. On touche alors les étoiles. Le panorama offre sur 360° un site de toute beauté, du sol au plafond. Le ciel est plus azur, la lumière intense. Difficile d’échapper aux vertiges, aux frissons. Lever les yeux puis se pencher. Le saut dans le grand vide attend les prochains pas. La descente finale est vertigineuse, infernale, très technique entre les pierres enchevêtrées dans le plus grand désordre. Sous les semelles, les billes de basalte roulent. Pieds de cabri exigés. On dévale 2500 mètres de dénivelé en 18 kilomètres de course. Le grand plongeon dans l’océan bleu si bas en contrebas. D’autant qu’il fait si chaud sous les maillots. Le rivage est gagné, la plage de Tazacorte présente quelques palmiers plantés dans de la poudre noire. Plus que cinq kilomètres de bitume et une odeur d’écurie grandissante. L’épuisement est à son paroxysme. On traverse les bananeraies, point d’orgue de l’économie de l’île, principal sponsor de l’épreuve. Partout, les habitants sortent, clament, acclament, offrent leurs services, leurs arrosages des terrasses, un abreuvoir sur le trottoir, de l’eau. L’île entière est mobilisée. Deux kilomètres interminables de chaussée goudronnée au cœur de Llanos de Aridane. Enfin la ligne d’arrivée, salvatrice. La foule s’est donné rendez-vous. Une arrivée de haut vol. Portiques colorés, drapeaux, animation, musique, cris… La fiesta. Un regard sur soi, beaucoup d’autosatisfaction. Vulcain est enfin terrassé et chaque concurrent est sorti vainqueur, finisher.
A trois semaines du championnat du monde à Annecy, les tout meilleurs mondiaux s’étaient donné rendez-vous sur l’île de la Palma, assurés par la beauté de l’épreuve, sa difficulté spécifique et la qualité de son organisation. Précédent vainqueur 2014 du Transvulcania, l’Espagnol Luis Alberto Hernando remettait ici son titre en jeu. Opposé aux autres ténors de l’équipe nationale ibérique Miguel Heras (vainqueur 2010, 2011, champion d’Espagne ultra), Pablo Villa et Manuel Merillas, le champion du monde en titre attirait tout autant les convoitises d’athlètes internationaux huppés : les Américains Dakota Jones (vainqueur 2012), Paul Hamilton, Timothy Olson ou Zach Miller, les Australiens Vlad Ixel ou Blake Hose, le Portugais Carlos Sâ, le Grec Dimitris Theodorokakos, les Français Christophe Le Saux, le jeune Aurélien Dunand ou Julien Jorro ou ses autres compatriotes Dani Garcia, Christofer Clemente ou Tofol Castanyer. Autant de prétendants bien décidés à contester l’hégémonie du prince de Burgos. La première ascension met vite le feu aux poudres noires. Les prétendants s’affichent tour à tour aux premiers rôles. Jessed Hernandez, vainqueur l’avant-veille du km vertical part en trombes. Feu de paille. La cavalerie lancée à ses trousses oblige vite le talentueux mais présomptueux jeune homme à rentrer dans le rang. C’est long un ultra pour un cador du km vertical. Zach Miller, Dimitris Theodorokakos et Dakota Jones prennent la relève et la direction des opérations de tête. Sans doute faut-il attaquer d’entrée le tenant du titre pour le déstabiliser. Mais Luis Hernando, impeccable, s’accroche sereinement à leur foulée. La première ascension est très rapide. Les quatre hommes s’échappent. Derrière eux, Blake Hose et Manuel Merillas emmènent le peloton. Zach Miller se sent bien en jambes, il poursuit son effort, ne se résigne pas, attaque encore et sans compter, sans gérer, il lâche ses adversaires. L’Américain comptera une minute d’avance au premier sommet mais paiera lui aussi son impertinence. Le gros de l’effort est encore à poursuivre. L’ascension de la caldeira en plein cagnard n’est pas une partie de plaisir. Et à ce jeu Luis Alberto Hernando est vraiment le plus fort. Il revient sans peine à mi course sur l’échappé, le délaisse et s’envole seul au sommet, pour en redescendre encore plus vite. Il clôt le parcours en 6h52, nouveau record d’épreuve et remporte en maitre incontesté des lieux l’édition 2015. La foule locale l’accueille en délire sur la ligne d’arrivée. Il faudra attendre une demi-heure pour voir son dauphin enfin arriver. Dani Garcia, parti plus prudemment est revenu du diable-vauvert. Doublé espanol. L’Australien Blake Hose est troisième. Dakota Jones et Zach Miller se partagent pour une seconde les 4 et 5ème places. Viennent ensuite Dimitris Theodorokakos, Cristofer Clemente, Pablo Villa. Les Français Julien Coudert et Aurélien Dunant s’offrent de bien places dans le top ten. Bravo.
Parallèlement, chez les féminines, la principale favorite Emelie Forsberg a elle aussi affirmé une semblable supériorité. Dominatrice de bout en bout, la Suédoise n’a jamais été inquiétée. Sa dauphine arrivera trente minutes plus tard, la Catalane Anna Comet est seconde. La troisième place revient à une Française, résidente de Tenerife, championne de raids aventures, venue s’aventurer en dilettante une première fois sur ce type d’ultra. Marie Myriam Guillot est une excellente troisième. Les championnes de la discipline, les Américianes Alicia Shay 4ème, Kristina Pattison 6ème, la Polonaise Magdalena Laczac 5ème , Ester Alves 7ème sont restées admiratives.
Mariano Hernadez et toute son équipe organisatrice peuvent se montrer satisfaits de ce qu’ils proposent. Avec la volonté et l’engagement de tout le peuple de leur île, Transvulcania est devenue une course référence, une course dont on ne revient pas vraiment comme on y est parti.
Brice de Singo.
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